Le 10 Octobre,
Nous sommes partis ce matin vers 7h30, en direction de Kande (à une petite heure de bus de Pokhara). Plus nous montons, plus nous nous rapprochons des nuages. C'est à nouveau sous la pluie que nous débutons notre journée de marche. Mohan m'a prévenu, nous ne marcherons pas beaucoup aujourd'hui. Je crois qu'il a compris que les derniers jours ont été éprouvants.
Nous avons marché que deux bonnes heures jusqu'au camp de base. En chemin, j'ai fait la rencontre de deux petits loulous, aux visages d'ange. Ils m'ont beaucoup touché, tant leurs regards étaient magnétiques : l'apparence de deux vieilles âmes! Je me suis dit que les petits jouets que j'avais ramené de France, seraient pour eux. Ce moment privilégié passé à leur côté fut teinté de chaleur, de simplicité et d'une grande douceur. Leurs rires résonnent encore dans mes oreilles, et viennent contraster avec la misère environnante. Ici, dans ce lieu, ils n'ont rien. Autour de leur habitat, des détritus en tout genre : plastiques, papiers, et autres déchets. Je m'interroge : alors qu'ils font face aux plus hauts sommets des Annapurnas, baignés dans cette ambiance où les dieux règnent, de quelle façon incarnent-ils la puissance du monde qui les entoure, et duquel ils font partis? Quel avenir ici pour eux?
Le moment est magique. Nous reprenons la marche sous une pluie battante, guidée par notre silence.
Mohan ne m'a pas menti. Nous nous sommes arrêtés à 13h, dans un endroit merveilleux. La brume et le brouillard sont toujours au rendez-vous, mais nous savourons tous les deux notre traditionnel dal bath sous un abri extérieur. Je ne les vois pas encore, mais derrière ce rideau blanc s'élèvent les plus beaux pics. Il fait froid et humide, pour autant j''apprécie ce moment d'immersion en pleine nature.
Les black tea se succèdent, et me réchauffent. Il y a peu de touristes occidentaux ici pour le moment, seul un couple de hollandais est arrivé dans la soirée. Quelques népalais vont et viennent. L'ambiance y est conviviale et bienveillante. Je savoure cet instant de tranquillité, au son des gouttes d'eau.
Ce soir, je vais dormir dans une chambre au confort un peu sommaire, qui ne possède aucune vitre aux fenêtres. Seuls des volets battants ajourés me protégeront du vent. Par moment, j'aperçois le pic de l'Annapurna Sud, lorsque le vent balaie les nuages. Et puis il y a cette montagne mythique pour les népalais : Machapuchare (qui veut dire queue de poisson). Une montagne vierge d'hommes et par conséquent de déchets (me dit Mohan). Je prends le temps de contempler ce décor sublime.
L'immensité m'inspire. A la fois hostile et puissante, elle vient nourrir ma force intérieure. Face à elle, je me sens dense, confiante, solidement incarnée. C'est dans ce calme et se silence que j'expérimente ma propre foi. Je vis cet instant suspendu, vous savez comme après un violent orage ou une forte tempête (que ce soit dans la matière ou émotionnellement). Une sorte de silence intérieur que notre esprit, encore sur sur ces gardes, parvient à capter dans son absolu. Un silence qui s'entend. C'est à ce moment là que nous prenons conscience de notre point d'ancrage, la source de notre lumière qui jaillit de nous.
Après ces quelques jours difficiles, je me dis que je suis très fière de l'Etre que je suis.
Belle soirée, NAMASTE la lune.
